Euphémia s’ennuyait déjà. Toutes les autres filles de Serpentard se tenaient droites, sages, mignonnes. Ce n’était pas très amusant. Bien sûr, sa maman serait contente qu’elle tienne son rang. Et pas son deuil. Euphémia avait compris bien vite que la rigueur qu’elle imposait dans le foyer ne venait pas que de la maladie de son papa. Cela faisait longtemps qu’on la savait, d’abord, et ils se disputaient déjà à l’époque sur la pompe de leurs fêtes, ensuite. Et Euphémia savait écouter aux portes, et elle savait que Grindenwald avait de grandes influences sur la mouvance identitaire marquée de sa maman. Et que son papa avait toute sa tête, et était en colère contre sa maman.
Peut-être que ce n’était pas une très bonne chose d’être amie avec les autres filles de Serpentard, alors.
Mais qu’est-ce qu’elle s’ennuyait !
Et de façon très intéressée, elle aurait bien besoin d’aide en sortilèges et métamorphoses. Elle avait vraiment du mal avec les règles de calcul et les notations de physique. La logique, elle l’avait. Mais alors, le reste… Une catastrophe…
Cela faisait maintenant une heure qu’elle balançait ses jambes distraitement sous sa chaise. Elle n’avait même plus envie d’essayer.
« Hey, Euphémia ! chuchota une voix. Pssss ! »
Elle se retourna vers sa camarade. C’était Minerva. Elle était à côté de Fleamont – quel prénom, le pauvre – et ils avaient l’air d’avoir bien rigolé. Pourtant, ils ne faisaient pas beaucoup de bruit. Peut-être juste ce qu’il fallait pour ne pas la tirer de sa rêverie, et bien sûr, ne pas attirer le courroux du bibliothécaire.
« As-tu besoin d’aide pour la métamorphose ?
— Euh, pourquoi est-ce que tu dis ça ?
— Il est faisable en une demi-heure, répliqua Minerva sur le ton de l’évidence. Et cela fait déjà plus d’une heure que tu as l’air de te souder à ton bureau. »
Fleamont était mort de rire.
« C’est condescendant de parler comme cela aux gens.
— Je te proposais. Dommage, on aurait pu faire des choses plus intéressantes après, avec le temps gagné.
— Ah oui ?
— Nous allions nous inscrire au Club de Métamorphose, mais le bureau m’a dit qu’ils n’accepteraient les premières années que s’ils étaient au moins trois.
— Tu es courant que je ne suis pas calée en Métamorphose.
— Oui, mais on serait trois ! s’écria Fleamont.
— Alleeeeez, dis oui, dis oui ! supplia Minerva. Au Club, les gens ne font pas beaucoup de magie. Ils discutent de la métamorphose dans d’autres pays, font des exposés sur l’histoire de la métamorphose, se racontent les actualités nouvelles concernant la…
— Métamorphose ! », complétèrent Euphémia et Fleamont.
Ils éclatèrent tous de rire, avant de baisser tous d’un ton.
« Bon, d’accord.
— Après, tu peux rester, hein, ce n’est pas juste une question de marchandage.
— J’espère bien, fit Euphémia.
— Plus sérieusement, tu es toujours toute seule depuis le début de l’année, ça me fait de la peine. Alors que si tu rejoins Fleamont et moi, et bien, on devient un vrai groupe d’amis !
— Parce qu’avant, nous formions un faux groupe ? se scandalisa Fleamont.
— Deux : très bien pour les échecs et les Bavboules. Mais si tu aimes l’action… Déjà, à trois, ça peut commencer à être intéressant d’aller voler sur un balai. Et puis, le Club de Métamorphose. Bien sûr, les tables de quatre des pubs de Pré-Au-Lard sont mieux placées que les tables de deux. Quoi d’autre ? Ah oui, Euphémia, Fleamont est fort en botanique, potion et sortilège, moi, métamorphose, défense contre les forces du mal. Toi…
— Histoire, se défendit aussitôt Euphémia. Histoire. »
Il y eut un silence. Minerva sourit comme si c’était Noël, puis lui tendit la main.
« Alors, tu restes ?
— Oui ! »
Fleamont lui tendit la main pour un tape-m’en-cinq. C’était le genre de geste qu’abhorrait Vinda Rosier. Et puis, avec un garçon ! Grande panique ! Euphémia ne paniqua pas.
***
Ma chère Minerva,
Que de péripéties !
Comme tu sais, ma mère a toujours exigé que je lui rende ma baguette en rentrant à la maison, chaque soir. De cette façon, elle croyait pouvoir exercer son empire sur moi jusqu’au moment de ma marier. Elle ne savait pas que je n’ai jamais étudié dans l’institut d’arts ménagers pour les filles de bonne famille, jusqu’à tout-à-l’heure. Encore une chance que la majorité nous soit donnée à dix-sept ans et pas dix-huit ! Jamais je n’aurais pu disposer de mon compte à Gringotts auparavant et mes études de politique s’en seraient allées avec mes rêves et mes espoirs !
Mais acculée devant l’annonce des fiançailles avec Jean-François d’Aube de Villiers, tu me diras si tu arrives à prononcer cela en anglais, j’ai dû agir. J’ai récupéré ma baguette. Je t’en passe les détails. Cela a été très dur, mais j’ai préféré emmener Minty, l’Elfe chargée de sa garde, avec moi, pour ne pas qu’elle se fasse punir. Je devais aussi récupérer mes papiers d’identité, l’acte de donation de ma mère de son hôtel londonien – oui, je suis propriétaire du lieu où elle habite trois mois dans l’année, c’était la dot, mais je suis bonne princesse, ce ne sera pas ma priorité – et mes certificats de compte chez Gringotts. J’avais tout le suivi de mon endométriose cousu dans ma jupe – voilà à quoi je passais mes soirées, puisque je n'avais pas le droit de causer à mon amoureux !
Tout cela dans un raffut pas possible, ma mère et les Elfes criaient tous, pour des raisons différentes, je crois. Druella m’a accusée de ne pas rester pour sa première rentrée à Poudlard. Je ne sais pas quoi faire, il me pèse de savoir comment notre mère va la dresser, maintenant qu’elles ne sont que toutes les deux à Paris.
Et voilà, Minty, ma vie administrative, et moi-même, chez les Potter.
Tu es la première personne à le savoir !
Et pour me protéger… En bonne féministe tu vas devoir hurler avec moi « mais quoi, mais non, mais ce n’est pas le mariage qui protège la femme » et nous aurions raison – mais ma mère a de l’influence jusque chez les Black et les Malefoy désormais, elle est dans les figures du mouvement identitaire à Paris, figure-toi ! Alors, oui, nous avons peur qu’elle fasse annuler le début de mon cursus à l’université, qu’elle rétrocède mes droits… Nous voulons porter mon cas devant la puissance publique, en quelque sorte. Voilà, tu seras apaisée si je dis que nous allons faire en sorte que je sois protégée, non pas par un mari, mais par le peuple ! La classe ! En vérité, elle est capable de corruption pour obtenir ou falsifier des papiers… Si nous invitons trois cents personnes à notre mariage, ce sera plus facile de la contredire. Ce n’était pas une décision très simple à prendre pour autant.
Fleamont et moi allons nous marier !
Tu es également la première personne à le savoir !
Ma bien-aimée Minerva, tu as été la première personne à nous lier, après tout… Et en cela il faut commencer par crier : vive l’amitié !
Rassure-toi, je n’ai plus peur. Et je suis désormais libre de transplaner où je veux, quand je veux. Il me tarde de te serrer dans mes bras.
Tendres baisers,
Ton Euphémia adorée