Le vent hurlait entre les murs fissurés, transportant l’odeur âcre de fumée et de sang. Le QG, autrefois refuge, n’était plus qu’un amas de ruines. Chaque détonation faisait trembler les fondations, chaque éclat de lumière verte arrachait des morceaux du plafond. Le dernier bastion de la résistance s’effondrait peu à peu.
Au centre de la pièce principale, Johanna tenait un retourneur de temps. Le métal doré, bien que couvert de poussière, semblait vibrer dans sa main. Une magie ancienne, dense et oppressante irradiait de l’objet. Son cœur battait à tout rompre, comme s’il voulait jaillir de sa poitrine.
Près d’elle, Alastor Maugrey boitait, sa jambe de bois claquant à chaque pas sur le sol criblé d’éclats. Il jetait des regards nerveux à la porte barricadée, ses traits marqués par l’épuisement et une douleur qu’il ne prenait même plus la peine de cacher.
— "C’est maintenant ou jamais, Johanna," grogna-t-il, sa voix rauque comme une lame éraflée. "Ce fichu plan est tout ce qu’il nous reste."
Johanna leva les yeux vers lui. Ses joues étaient noircies par la saleté, ses cheveux collés par la sueur et la cendre. Elle n’avait plus de larmes à verser. Pas après avoir vu, un à un, ses compagnons tomber au combat. Mais l’idée de partir seule, de laisser Maugrey à son sort funeste, lui nouait l’estomac comme un piège qu’elle ne pouvait briser.
— "Et si ça ne marche pas ?" demanda-t-elle d’une voix brisée. "Et si je fais pire encore ?"
Maugrey s’arrêta. Il planta son œil magique dans le sien, puis la fixa de son regard humain. C’était un regard dur, inflexible, mais chargé d’une tendresse qu’il ne réservait qu’à elle.
— "Ça ne peut pas être pire, gamine. Le monde est déjà en miettes. Voldemort a gagné. Il ne reste plus rien." Il s’agenouilla devant elle, posant une main calleuse sur son épaule. "Mais toi, tu peux changer ça."
Il lui tendit un vieux sac de toile, rempli à craquer de parchemins et d’artefacts. C’était tout ce qu’il leur restait : des années d’informations volées, des fragments de plans, des noms. Une arme contre l’ombre qui avait englouti leur monde.Leur dernier héritage.
— "Le retourneur te mènera en 1979. Juste avant que tout ne dérape pour de bon. Trouve Dumbledore. Trouve l’Ordre du Phénix. Trouve..." Il marqua une pause, cherchant ses mots. "N’importe qui capable de t’aider. Mais fais en sorte que ce soit fini avant qu’il ne devienne intouchable."
Johanna prit le sac, ses mains tremblantes. Elle inspira profondément, puis tourna son regard vers Maugrey. Cet homme robuste et inflexible, son mentor, son roc dans la tempête, lui avait tout appris. Il l’avait vue grandir dans ce chaos. Maintenant, elle devait partir. Et elle le savait.
Sa peur disparut, remplacée par une détermination farouche.
— "N’oublie pas," reprit Maugrey, sortant un petit morceau de papier de sa poche. "Quand tu arriveras en 1979, trouve-moi et donne-moi ça. Ce sera suffisant pour que je te croie."
Elle prit le mot, le serrant comme s’il s’agissait d’un talisman.
Un craquement assourdissant retentit. La porte barricadée plia sous un nouvel assaut. Des morceaux de bois volèrent, projetés dans la pièce. Une lumière verte illumina brièvement les visages de Maugrey et Johanna.
Maugrey se redressa. Ses traits se durcirent. Sa baguette déjà levée, il semblait redevenir l’Auror redoutable qu’il avait été, même si son corps usé trahissait ses années de lutte.
— "Ils arrivent," grogna-t-il. "Active ce fichu truc. Maintenant."
Johanna se leva d’un bond. Elle serra le retourneur dans une main, le sac dans l’autre. Ses yeux rencontrèrent ceux de son mentor une dernière fois. Elle voulait lui dire tant de choses, mais aucun mot ne franchit ses lèvres.
Alors elle se contenta d’un souffle :
— "Merci."
— "Ne me remercie pas encore," répondit-il, son visage traversé d’un sourire féroce. "Reviens avec une victoire, gamine. C’est tout ce que je demande. Et ne t’en fais pas. Tu me retrouveras bientôt."
La porte explosa dans un fracas, projetant des éclats de bois dans toutes les directions. Les Mangemorts déferlèrent comme une vague sombre, leurs visages à découvert tordus par l’excitation. Maugrey les accueillit d’un sourire carnassier, sa baguette tendue devant lui.
— "Par ici, bande de monstres !"
Un sort explosif jaillit de sa baguette, soulevant une tempête de gravats et de poussière. Profitant du chaos, Johanna tourna les aiguilles du retourneur de temps. Elle sentit une force puissante l’envelopper. Tout se brouilla autour d’elle.
Les cris, les explosions, les lumières disparurent. Plus de couleurs. Plus de sons. Plus rien, sinon une obscurité oppressante.
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Elle se réveilla brusquement, le souffle court. Autour d’elle, une ruelle pavée, silencieuse. L’air était plus frais, plus léger. Une lumière orangée baignait les murs des bâtiments. Au loin, une horloge indiquait la date : 8 janvier 1979.
Le monde semblait paisible. Mais Johanna savait qu’il ne l’était pas. Pas encore.
Elle resserra le sac contre elle et leva les yeux vers le ciel. Ses poings se serrèrent.
— "Je ne vous décevrai pas, Alastor."
Puis, sans un regard en arrière, elle s’avança dans le passé pour changer l’avenir.