Je suis dans le train qui m’emmène vers cette ville près de la Manche. Parfois je me demande ce qui m’a prit, et puis le souvenir de sa lettre dans ma poche me rend confiant.
Oh cette lettre, cette lettre qui a changé ma vie.
Reçue il y a un mois, je ne sais plus. Elle est arrivée par erreur. Mais je ne suis pour une fois pas énervé par cette maladresse de facteur.
J’ai reçu une lettre
Il y a un mois peut être
Arrivée par erreur
Maladresse de facteur
Aspergée de parfum
Rouge à lèvre carmin
J’aurais dû cette lettre
Ne pas l'ouvrir peut être
Cette lettre, fermée par une bouche rouge carmin, un parfum sucré et envoûtant s’en échappant. Peut-être aurais-je du ne pas l’ouvrir, mais il est trop tard maintenant.
Cette lettre, elle m’a électrisée, ensorcelée, telle Ulysse avec Calypso, j’étais attiré, mystérieusement.
Et je l’ai ouverte.
Je la connais par cœur, ces mots sont gravés dans ma mémoire, dans mon âme, au plus profond de moi.
Mais moi je suis un homme
Qui aime bien ce genre d'enjeu
Je veux bien qu'elle me nomme
Alphonse ou Fred c'est comme elle veut
C’est comme elle veut
Le papier à lettre est rose, son écriture est belle, tout en elle reflète fraîcheur, jeunesse. C’est idiot, mais je crois bien que j’en suis tombé amoureux à la seconde où j’ai ouvert l’enveloppe. Je remarque quelques fautes d’orthographes, pas bien grave, sûrement une légère dyslexie.
De jolies marguerites à la place des points des « I », ça m’a fait rire.
Et en guise de paraphe, pas de prénom, seulement « La petite blonde sexy ».
Tout dans cette lettre respire joie de vivre. Pourtant…
Des jolies marguerites
Sur le haut de ses "i"
Des courbes manuscrites
Comme dans les abbayes
Quelques fautes d'orthographes
Une légère dyslexie
Et en guise de paraphe
La petite blonde sexy
Et moi je suis un homme
Qui aime bien ce genre de jeu
Je n'aime pas les nones
Et j'en suis tombé amoureux
Amoureux
Tu « m’écris » que dimanche, tu seras sur la falaise, où je t’ai prise par les hanches. Mon dieu, ai-je vraiment fais ça ?
Et, que si je décidais de ne pas assumer mes ébats, tu choisiras le rocher adéquat 30 mètres plus bas.
Non, mon amour, ne vas pas t’assommer sur ce rocher, je ne sais pas ce que j’ai fais pour que tu m’en veuille autant, mais je serais là, je te le promets.
Elle écrit que dimanche
Elle s'ra sur la falaise
Ou je l'ai prise par les hanches
Et que dans l'hypothèse
Où je n'aurais pas le tact
D'assumer mes ébats
Elle choisira l'impact
30 mètres plus bas
Et moi je suis un homme
Qui aime bien ce genre d’enjeu
Je ne veux pas qu’elle s’assomme
Car j’en suis tombé amoureux
Amoureux
Et grâce au cachet de la poste, je trouve le nom d’une petite ville sur la Manche. Peut-être est-ce que pure folie de préparer ma valise, peut-être est-ce pure folie de réserver ce train, peut-être est-ce pure folie d’aller sur cette falaise, le matin du dimanche.
Mais voilà, je suis tombé amoureux de cette petite blonde sexy.
Tu n’es pas là, ce n’est pas grave, j’attendrais. Des blondes sexy suicidaires, il n’y en a pas 100 !
Grâce au cachet de la poste
D’une ville sur la manche
J’étais à l’avant poste
Au matin du dimanche
L’endroit était désert
Il faudra être patient
Des blondes suicidaires
Il n’y en a pas 100
Et moi je suis un homme
Qui aime bien ce genre d’enjeu
Je veux battre Newton
Car j’en suis tombé amoureux
Amoureux
Et puis je t’aperçois, juste vêtue d’une fine robe blanche, un châle de même couleur autour des épaules, tes cheveux blonds lâchés, flottants librement au vent.
Je m’approche doucement, je ne veux pas t’effrayer, frêle sylphide surplombant la Manche.
Tu te tournes, me regarde, les yeux agrandis par l’étonnement, tes joues baignées de larmes, barbouillées de traces de mascara.
- Qui êtes-vous ?
Sans un mot, je sort la lettre et te la tend. Mes yeux glisse jusqu’à ton ventre, léger renflement à ce niveau. C’est donc pour ça que tu veux te jeter ?
Oh non, mon ange, ne gomme pas deux vies d’un coup, je suis là.
Elle surplombait la Manche
Quand je l’ai reconnue
J’ai saisi par la manche
Ma petite ingénue
Qui ne l’était pas tant
Au regard du profil
Qu’un petit habitant
Lui faisait sous le nombril
Tes yeux sont remplis d’incrédulité.
- Pourquoi ?
Avec un sourire d’excuse, je te répond.
- Je crois que je suis tombé amoureux de vous. Je ne m’appelle pas Fred, ni Alphonse, moi c’est Harry. Je ne t’ai pas prise par les hanches sur cette falaise. J’assume les actes de quelqu’un d’autre. Mais tu as du t’en rendre compte, je suis un homme qui aime bien ce genre d’enjeu. Et je veux bien que ton petit habitant de dessous le nombril m’appelle papa, je ne veux pas que tu t’assommes sur ces rochers.
Et moi je suis un homme
Qui aime bien ce genre d’enjeu
Je veux bien qu’il me nomme
(Papa)… S’il le veut
Du revers du pouce, j’essuie tes larmes. Tu souris.
- Moi, c’est Luna.
Tu prends ma main et la pose sur ton ventre avant te t’approcher près de moi, plus près, jusqu’à ce que je puisse presque goûter ton parfum si sucré. En attendant, je goûte tes lèvres, ma petite blonde sexy.
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